Une nouvelle proposition de loi apportant des droits légaux aux fœtus pourrait être à nouveau débattue au parlement de Nouvelle-Galles du Sud, et relance le débat sur l'avortement, toujours difficile d'accès dans cet Etat.
Le révérend Fred Nile, député du Parti démocrate-chrétien, est sur le point de réussir à faire adopter un projet de loi, la «loi Zoé», qui date de 2017 et pour lequel il se bat depuis 2013.
Le Daily Telegraph a rapporté qu'un vote de conscience pourrait avoir lieu jeudi 15 novembre et il ne reste qu'une semaine de séance au Parlement avant les élections législatives de mars.

Protesters gather outside of the NSW State Parliament urging MPs to decriminalise abortion. Source: AAP
Zoé Donegan
En 2009, Brodie Donegan, à 32 semaines de grossesse de sa petite Zoé, a été percutée en voiture par un conducteur qui était sous l'influence de produits stupéfiants.
Dans cet accident, Brodie a perdu Zoé, qui est mort-née.
Le conducteur n'a pas pu être poursuivi pour la mort de Zoé, la loi en Nouvelle-Galles du Sud stipulant actuellement que la perte d'un foetus à la suite d'un acte criminel constitue seulement une «blessure grave» pour la mère.
Mais s'il est adopté, le projet de loi créera une nouvelle infraction pour «lésions corporelles graves» à un «enfant in utero», qui, selon les critiques, pourrait avoir des conséquences pour l'avenir du droit à l'avortement dans l'Etat.
Selon le Women's Legal Service NSW, la loi «signifierait que si une personne détruisait ou blessait un foetus, elle serait accusée de lésions corporelles graves au foetus et non à la mère».
Lors d'un précédent effort pour faire adopter la loi, Fred Nile a déclaré que le projet de loi était «conçu pour faire face à l'angoisse» des femmes qui perdent un enfant à naître.
Brodie Donegan a déclaré au Daily Telegraph que, bien qu'elle n'ait jamais donné Nile la permission de nommer la loi comme Zoé, elle soutenait le principe de la législation.
Une loi à deux revers
Plusieurs groupes accusent le projet de loi de restreindre les droits à l'avortement dans l'État.
Adrianne Walters, avocate principale du Centre du droit des droits de l'homme, a déclaré à SBS News que ce projet représentait une «pente glissante consistant à criminaliser et à contrôler le corps des femmes et à entraver l'accès aux soins de santé en matière de reproduction».
«Si un foetus se voit accorder le statut de personne, des droits peuvent être revendiqués par d'autres personnes qui peuvent être en conflit avec les droits et intérêts de la femme enceinte, ce qui a des conséquences dangereuses pour la santé, la vie privée et la liberté de reproduction des femmes».

Supporters of creating a safe access zone around abortion clinics in NSW Parliament House in June. Source: AAP
«Dans certains États américains, des lois similaires ont été utilisées pour poursuivre des femmes vulnérables, notamment une femme dont la tentative de suicide a détruit son fœtus et une femme qui a tenté de dissimuler une fausse couche par crainte des conséquences».
Pour l'association du Barreau de Nouvelle-Galles du Sud «le droit pénal en vigueur dans ce domaine est satisfaisant», et donc aucune raison de la changer.
Dans une note d'information sur le projet de loi, qui a été envoyée à SBS News, l'association indique que «les amendements proposés dans le projet de loi de Fred Nile créeraient un dangereux précédent pouvant avoir de vastes implications pour le droit de cet État».
En 2010 déjà, un «examen approfondi dans ce domaine du droit» avait été fait, avec comme conclusion que «la loi actuelle ne devrait pas être modifiée».
Une déclaration du Service juridique des femmes (WLS) de Nouvelle-Galles du Sud a également critiqué le projet de loi.

Christian Democrats Party MLC Fred Nile at NSW Parliament. Source: AAP
«Tout en étant extrêmement préoccupé par les torts causés aux femmes, y compris leur fœtus [par exemple, par la violence domestique], WLS considère le projet de loi comme une tentative manifeste de saper les droits des femmes en modifiant le statut juridique du fœtus», peut-on lire dans le communiqué.
«La loi prévoit déjà une infraction grave passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans. WLS craint également que la loi ne soit utilisée pour imposer des restrictions au comportement des femmes enceintes».
En conséquence, des manifestations sont prévues jeudi au parlement de l'état du NSW, co-organisé par des membres du parti travailliste et des Verts.
«Une telle loi mettrait davantage en danger l'accès aux soins de santé en matière de reproduction dans NSW ... Les conséquences voulues et imprévues d'une telle loi seront profondes et dévastatrices», lit-on sur la page de la manifestation sur Facebook.
L'Etat de Nouvelle-Galles du Sud reste le dernier État où l'avortement est encore techniquement un crime.
Selon les articles 82, 83 et 84 de la loi sur les infractions pénales de la Nouvelle-Galles du Sud, l'avortement est considéré comme criminel s'il est pratiqué illégalement et peut entraîner une peine maximale de 10 ans.
Les avortements pratiqués en Nouvelle-Galles du Sud ne sont considérés comme légaux que si un médecin estime que la santé physique ou mentale de la femme est en danger. Les facteurs économiques et sociaux sont également pris en compte lors de la prise de décision.
Le juste milieu
Trevor Khan des Nationals a rédigé une liste d'amendements au projet de loi dans le but de satisfaire les parties en guerre.
Il est à noter que Khan avait déjà co-parrainé un projet de loi qui établissait des zones tampons en dehors des cliniques d'avortement pour protéger les patientes du harcèlement.
À BuzzFeed News plus tôt ce mois-ci, il a dit que certains plaignants victimes d'accidents de voiture similaires ont estimé qu'une seule accusation portée contre une personne responsable de la fin de la vie de leur fœtus ne «reflétait pas l'ampleur de leur perte».
«Je pense que nous pouvons réellement faire face à leur chagrin sans toucher à la réforme du droit à l'avortement», a-t-il déclaré.
L'un de ces amendements consiste à remplacer les mots «enfant in utero» par «le fœtus d'une femme enceinte».
«Le changement de terme reconnaît que nous parlons toujours d'une blessure occasionnée à la mère, c'est-à-dire que nous nous éloignons le plus possible d'un concept de personnalité du foetus», a déclaré M. Khan dans l'interview de BuzzFeed News.
Gladys Berejiklian, Première ministre de Nouvelle-Galles du Sud a déclaré le mois dernier qu'elle était prête à discuter des modifications de la loi après un récent accident de voiture qui a coûté la vie à deux jeunes femmes, dont l'une était enceinte de jumeaux.

Women protest Zoe's Law at NSW Parliament in 2013. Source: AAP
«La première chose que j'ai ressentie a été l'horreur absolue. C'est une perte de vies inutile, une opportunité perdue», a déclaré Berejiklian à Sky News.
«S'il existe des opportunités pour nous d'améliorer la manière dont on peut reconnaître ces crimes, nous examinerons cela. Je demanderai des conseils et recevrai les commentaires de la communauté».
Le groupe pro-vie «Right to Life NSW» soutient Nile, «Nous sommes fiers d'appuyer la loi de Zoé. Le projet, dans sa rédaction actuelle, est un pas modeste vers la reconnaissance des enfants à naître et de leurs mères».