Le président français Emmanuel Macron a appelé mardi 6 novembre à la constitution d'une "véritable armée européenne" pour permettre au bloc de se défendre contre la Russie et même les Etats-Unis, une idée extrêmement sensible pour les nations européennes, qui protègent jalousement leur défense.
Macron, qui a réclamé une force militaire commune de l'Union européenne depuis son arrivée au pouvoir, a déclaré que l'Europe devait être moins dépendante de la puissance américaine, notamment après que le président américain Donald Trump eut annoncé qu'il se retirait d'un traité nucléaire datant de la guerre froide.
«Nous devons nous protéger face à la Chine, la Russie et même les États-Unis», a déclaré Macron à Europe 1 lors de sa première interview à la radio depuis son accession à la présidence, en mai 2017.
«On ne protègera pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne».
Macron a dirigé la création de L’Initiative européenne d’intervention (IEI), qui a vu le jour en juin, rassemblant neuf États «volontaires et capables» d'organiser une opération militaire conjointe, évacuer des civils d'une zone de guerre ou fournir une aide après une catastrophe naturelle.: la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas, l’Estonie, l’Espagne et le Portugal.
Les ministres de la Défense des neuf pays doivent se réunir pour la première fois mercredi à Paris pour commencer à examiner de près le fonctionnement d'une possible armée commune.

Macron has pushed for a joint European Union military force, saying Europe needs to ease its reliance on the US. Source: EPA
La Finlande devrait devenir le dixième pays impliqué dans le projet, selon une source proche des discussions.
Sujet sensible
L’UE devrait considérablement élargir son budget pour la défense à partir de 2021, allouant environ 13 milliards d’euros sur sept ans à la recherche et au développement de nouveaux équipements.
Dans le cadre d'une initiative appelée PESCO, 25 pays de l'UE se sont également engagés à mieux coordonner leurs dépenses de défense et, éventuellement, leurs opérations.
Mais parler d'une «armée de l'UE», une idée lancée par les fédéralistes européens pendant des années, reste un sujet profondément sensible parmi les États membres soucieux de défendre leur souveraineté.
Une source française a déclaré que Macron parlait d'une défense plus coordonnée plutôt que d'une armée véritablement supranationale couvrant le continent.
Le président «a utilisé l'image forte d'une armée européenne pour rappeler la nécessité de resserrer ses liens en matière de défense», a déclaré une source proche.
«L'idée de créer une culture stratégique commune n'est pas une mauvaise idée. Mais il existe un fossé énorme entre la défense européenne évoquée par Emmanuel Macron et la réalité des désaccords très puissants entre partenaires européens», a déclaré Bruno Alomar, professeur à l'Ecole De Guerre, qui forme des officiers supérieurs.
Les peurs de l'ingérence Russe
Macron, qui accueillera dimanche des dizaines de dirigeants du monde à l'occasion des commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, a déclaré que les 70 ans de paix en Europe ne peuvent être tenus pour acquis.
«Cela fait des millénaires que cela n'a jamais duré aussi longtemps», a-t-il déclaré lundi soir à Verdun, dans le nord-est de la France, dans le cadre d'une tournée d'une semaine des anciens champs de bataille.
Face à «une Russie qui se trouve à nos frontières et a montré qu'elle pouvait constituer une menace, nous avons besoin d'une Europe qui se défend mieux seule, sans compter uniquement sur les États-Unis».
Dans une autre référence apparente à la Russie, il a insisté sur le fait que «les tentatives d'intrusion dans le cyberespace et les interventions multiples dans nos démocraties» nécessitaient une réponse unifiée.
Le chef de la République a mené une guerre acharnée contre le nationalisme ces derniers jours alors qu'il se préparait à accueillir des dirigeants tels que Trump et Vladimir Poutine.

Mr Macron flanked by two young students pays his respect at the Douaumont Ossuary as part of ceremonies marking the centenary of the First World War. Source: AFP
Avant les élections au Parlement européen de mai prochain - considérées par de nombreux observateurs comme une bataille entre des pro-européens Macronistes et des populistes de droite -, il a déclaré que les politiciens devaient réagir à la peur et à la colère des électeurs.
L'Europe «est probablement devenue trop ultra-libérale», a-t-il déclaré, «ce qui ne permet pas aux classes moyennes de bien vivre».
La chef d'extrême droite française Marine Le Pen - l'une des cibles des tirades anti-nationalistes de Macron - l'accuse de son côté de chercher à transformer l'Europe en un empire.
«Et ce sont les empires qui sont à l'origine de la Première Guerre mondiale, pas les nations», a-t-elle déclaré à Radio Classique.