Les cheminots ont annoncé trois mois de grève, en réponse au Président Emmanuel Macron à remodeler le pays à travers des réformes radicales. Tous les usagers de la SNCF ont été confrontés à de graves perturbations ce mardi dans toute la France.
Plus des trois quarts des conducteurs ont rejoint le premier jour de la grève, selon la SNCF, l'opérateur ferroviaire lourdement endetté que Macron veut réhabiliter. Mais globalement, seulement un tiers des employés étaient en grève, a indiqué la compagnie.
Baptisé "mardi noir", seul un TGV sur huit et un cinquième des trains régionaux roulaient en cette première journée de grève.
Les syndicats des cheminots ont établi un rythme de 2 jours de grève sur 5 jusqu'au jeudi 28 juin 2018, soit d'importantes perturbations qui s'annoncent pour les 4,5 millions de passagers quotidiens des trains en France.
"Nous demandons la même chose depuis plusieurs semaines, que le gouvernement reconsidère complètement son plan, ils doivent recommencer à zéro", a déclaré Philippe Martinez, directeur du syndicat CGT, à France Inter.
Le personnel d'Air France, les éboueurs et certains travailleurs du secteur de l'énergie appellent également à faire grève dans une atmosphère de conflit social grandissant, 11 mois après l'arrivée au pouvoir de Macron.

An unionist lights up a flare at the start of a demonstration outside the Gare de l'Est station in Paris. Source: AAP
Frustration des voyageurs
Selon un sondage Ifop publié dimanche pour le JDD, les soutiens publics à la grève de la SNCF se situent juste en dessous de la moitié (46%), et les usagers ont exprimé un mélange de sympathie et de frustration avec la réduction du service.
"Je commence à travailler à 13 heures. Savez-vous à quelle heure j'ai dû me lever? 5 heures du matin", se plaint Jean Nahavua, directeur d'une entreprise de commerce de gros qui vit à Lille et se rend à Paris.
"Trois mois comme ça, ça va être compliqué."
Pascal Lasnier, un banquier qui attendait à la même station, a ajouté: "Je comprends qu'ils veulent défendre leur part du gâteau, mais il y a peut-être d'autres façons de le faire."
Certains Parisiens ont donc opté pour la voiture, mais se sont heurtés à des embouteillages "exceptionnels" de 370 kilomètres dans la capitale durant l'heure de pointe du matin, selon le site de trafic Sytadin.
À la Gare de Lyon, l'une des plus fréquentée de Paris, les quais étaient tellement entassés qu'une femme est tombée sur les rails et a dû être aidée par d'autres passagers.
Les trois quarts des trains Eurostar vers Londres et Bruxelles circulaient ce mardi et les trains Thalys vers la Belgique et les Pays-Bas fonctionnaient presque normalement, mais quasi aucun train vers l'Espagne, l'Italie ou la Suisse.

Rail workers stick posters reading "They kill our jobs, let's stop them". Source: AAP
Chez Air France, où les employés font grève pour la quatrième fois en un mois pour exiger une augmentation de salaire, les gestionnaires ont déclaré que 75% des vols seraient opérés. D'autres grèves sont prévues pour les 7, 10 et 11 avril.
Dettes énormes et enjeux élevés
Grâce à Internet et aux applications mobiles - technologie indisponible la dernière fois que la France a connu des grèves ferroviaires à une échelle comparable, en 1995 - de nombreux usagers ont pu travailler à domicile ou s'organiser pour faire du covoiturage.
Le trafic sera encore très pertubé mercredi avec un TGV sur sept et un transilien sur cinq. Et cela devrait avoir un impact conséquent sur l'économie du pays.
Alain Krakovitch, chef du réseau Transilien de la SNCF, estime le coût de la grève à "entre 10 et 20 millions d'euros par jour".
Selon Emmanuel Macron, la SNCF - endettée à hauteur de 46,6 milliards d'euros - doit améliorer considérablement son efficacité et réduire ses coûts de fonctionnement, alors que les pays européens se préparent à ouvrir la concurrence ferroviaire d'ici 2020.
Le gouvernement français envisage d'arrêter d'accorder le statut spécial de travailleur ferroviaire - qui garantit des emplois à vie et des retraites anticipées - aux nouveaux employés de la SNCF entrant dans l'entreprise.
Il [le gouvernement] souhaite également regrouper les trois entités composant la SNCF en une seule entreprise publique, suscitant des craintes parmi les syndicats selon lesquelles il pourrait s'agir d'un pas vers la privatisation de l'opérateur ferroviaire.
"La SNCF est une entreprise publique et restera une entreprise publique", a insisté mardi la ministre des Transports Elisabeth Borne.
Et les enjeux sont élevés, les syndicats et le gouvernement se retrouvent aujourd'hui dans l'impasse.
Les grèves ferroviaires sont considérées comme le plus grand défi à relever par Macron dans ses vastes projets de libéralisation et de compétitivité de l'économie française, en comparaison avec la confrontation entre Margaret Thatcher et les mineurs britanniques.
"La question est de savoir si les gens soutiendront un mouvement de grève qui bloquera le pays pendant des semaines", a déclaré le politologue Stéphane Rozes au journal 20 Minutes.
"C'est ce qui pourrait permettre aux grévistes de s'accrocher et de faire reculer le gouvernement".
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