Jean-Noël Frydman a fait de France.com une entreprise florissante depuis 1994. Un site de tourisme et de réservation de voyages vers Paris, la Bourgogne, la Côte d'Azur et d'autres destinations populaires en France.
Mais le 12 mars dernier, son entreprise a disparu; le gouvernement français a pu récupérer le nom de domaine, après plusieurs années de procédures judiciaires, persuadant Web.com - gérant du nom de domaine - de l'appartenance de France.com... à la France.
«Ce fut un choc de voir tout ce sur quoi j'ai travaillé pendant près de 25 ans se faire détruire du jour au lendemain», a déclaré M. Frydman, né en France et double citoyen franco-américain.
En une minute, tout est parti, sans même que je m'en rende compte
Du coup, M. Frydman a décidé de traîner la France devant les tribunaux américains, déclarant qu'à cause de la fermeture de son site, il risquait la perte de millions de dollars de bénéfices.
C'est en 2015 que la bataille a commencé. Plus qu'une histoire, que l'on pourrait trouver un peu cocasse, cela pourrait avoir de véritables conséquences concernant Internet, selon Vivek Krishnamurthy, avocat et professeur à la Cyberlaw Clinic de la Harvard Law School, qui aide M. Frydman.
«La raison pour laquelle nous nous sommes impliqués est qu'il semblait y avoir une chance qu'une injustice significative soit faite ici et qu'elle ait des implications vraiment importantes sur le fonctionnement d'Internet», a déclaré M. Krishnamurthy.
Le gouvernement français devant ses propres tribunaux faisait avancer une théorie juridique qui, si elle était vraie, perturberait réellement la sécurité des noms de domaine.
À ses débuts, France.com, que M. Frydman a acheté en 1994, avait un look particulièrement "Web 1.0", avec une grande page blanche et des bordures, une variété de polices et de couleurs, et beaucoup d'ombres portées, selon une copie d'archive.
Au fil des années, M. Frydman a révisé son design et ses offres. À la fin des années 1990, il proposait des forums, des petites annonces, des actualités et des informations sur les conditions météorologiques et les taux de change. Durant les années 2010, il a proposé des offres d'hôtels et des visites.
Mais M. Frydman s'est finalement retrouvé dans une bataille juridique existentielle: en 2015, le gouvernement français, qui avait précédemment applaudi le site, a accusé France.com de porter atteinte au droit de la nation au nom français.
Le gouvernement a gagné plusieurs procès, le plus récent en septembre 2017, ordonnant, entre autres, à France.com de retourner le domaine, avec une pénalité de 150 euros (environ 180 dollars) pour chaque jour où l'entreprise ne l'a pas fait.
Mais, dans un procès intenté en Virginie en avril dernier, M. Frydman a soutenu que non seulement le gouvernement français n'avait pas le pouvoir de saisir le domaine, mais qu'il enfreignait également plusieurs lois américaines.

Source: The New York Times
Il a également fait valoir que depuis que France.com et Web.com - qui enregistre les noms de domaines -, sont des entreprises américaines, le domaine devient la propriété des États-Unis.
Au cours des deux dernières années, M. Frydman et M. Krishnamurthy ont à plusieurs reprises fait valoir ce point par courriel à Matthew McClure, chef des services juridiques de Web.com, mais la société a refusé de lever un verrou qu'elle avait placé sur le domaine au début des négociations en 2015.
Web.com a également ignoré la demande de M. Krishnamurthy de le prévenir au moins s'il transférait le domaine en France, ce qui a était fait en mars.
«Ils m'ont tout enlevé sans préavis», a déclaré M. Frydman.
J'ai 56 ans et pour vous dire la vérité, c'est juste incroyablement honteux.
Aujourd'hui, les visiteurs de France.com sont redirigés vers France.fr, un portail touristique géré par Atout France, la même organisation qui avait nommé en 2009 l'entreprise de M. Frydman "tour opérateur de l'année" et qui lui a même décerné un prix en 2012, selon les dossiers inclus dans le procès.
M. McClure, l'ambassade de France aux États-Unis et Atout France n'ont pas répondu aux demandes de commentaires.
Mais M. Frydman demeure optimiste.
«Nous avons connu de très bonnes années et, sans cela, nous aurions encore de très bonnes années», a-t-il déclaré.