Les cinq leaders -Félicien Moyi Kwambanga, Pauline Bopenda, Vangu Kitoko, Isaac Kisimba et Ruffein Tshiamala – sont actifs dans des associations représentatives de la communauté congolaise d’Australie basées en Nouvelle-Galles du Sud. Ils font partie aussi de la société civile congolaise.
Notre débat portait sur le énième report des élections présidentielles, législatives et provinciales en RDC. Les soubresauts du calendrier électoral se déroulent sur fond de troubles sociaux et de violences' Les effets de cette situation se font sentir sur l’ensemble de la RDC ainsi que dans les milieux de la diaspora congolaise d’Europe et d’Australie.
Initialement prévues en 2016 les élections directes en RDC avaient ensuite été programmées pour le 16 décembre dernier. Par après, elles ont été reportées au 23 décembre avant d’être remises au 30 décembre 2018.
Depuis qu'il est indépendant le Congo n’a pas connu d'alternance pacifique au pouvoir
Selon la Céni (Commission électorale nationale indépendante) ces changements de calendrier s’expliquent par des difficultés liées au déploiement de la machine à voter, un dispositif de vote par écran tactile qui sera utilisé pour la première fois en RDC.
Ce dispositif est hautement controversé. Pour nos interlocuteurs l’introduction de ce matériel de pointe dans le processus électoral congolais est une des manœuvres dilatoires utilisées par le gouvernement Kabila pour se maintenir au pouvoir.
Nos cinq invités soulignent que même l’Australie, un pays nettement plus avancé, n’a pas encore introduit le vote électronique. Pour Félicien Moyi Kwambanga : «Tout est illégal depuis 2016 en RDC. Tout est désordre. La Céni est soi-disant indépendante mais elle est dirigée par le gouvernement Kabila. Nos hommes politiques doivent réfléchir et prendre la situation en charge.»

Pauline Bopenda Source: SBS French
Les leaders congolais ajoutent que le Congo est habitué à ce type de manipulations. Depuis son accession à l’indépendance, le 30 juin 1960, la RDC n’a connu d’élections multipartites qu’à deux reprises : en 2006 et en 2011.
Les leaders de la communauté congolaise d’Australie rappellent que ces derniers scrutins (de 2006 et 20011) se sont déroulés dans des conditions controversées et leurs répercussions se font toujours sentir profondément. Isaac Kisimba souligne "qu' en 58 ans d’indépendance le Congo n’a pas connu d'alternance pacifique au pouvoir.»
Bien que controversée la machine à voter n’est plus le sujet le plus important aujourd'hui. Au moment de la publication de cet article on a appris que les élections sont reportées au mois de mars 2019 pour une partie de l’Est du Congo en raison de l’épidémie d’Ebola et des conflits armés qui sévissent dans la région.
Le problème est de savoir si les élections auront lieu le 30 décembre
Pour Vangu Kitoko le problème c’était la machine à voter mais ce n’est plus le cas puisque tout le monde a accepté cette machine. «Le problème maintenant c’est de savoir si les élections auront bien lieu le 30 décembre.»
Concernant les conflits armés, les leaders condamnent unanimement le rôle néfaste des grandes puissances et des multinationales qui attisent, par procuration, les violences en RDC.
«La communauté internationale ne joue pas un rôle traditionnel direct au Congo. Mais elle utilise des pays proxy. Les Nations Unies ont diligenté des enquêtes qui établissent l’implication du Rwanda notamment,» déclare Vangu Kitoko.
«Mais que fait la communauté Internationale? Les ADF Nalu sont soutenus par l’Ouganda et ils continuent de semer des troubles en RDC. D’ailleurs quand on regarde le fonctionnement du pouvoir en place on voit qu’il opère en connivence avec les pays voisins,» ajoute Vangu Kitoko.
Ruffein Tshiamala souligne que la RDC ne jouit pas d'une indépendance totale. Elle est encore sous tutelle sur le plan économique.
Rôle ambiguë de la Cour Pénale Internationale en RDC
Ruffein Tshiamala rejoint Vangu Kitoko pour fustiger la communauté internationale. Tous deux soulignent le rôle ambiguë de la Cour Pénale Internationale en RDC ainsi que l’impuissance apparente de la Monusco et l’impunité face aux crimes économiques monstrueux avérés notamment dans les Panama Papers.
«Nous appelons tous les pays et le gouvernement australien, les gens qui veulent la paix dans le monde qu’ils soutiennent les politiciens qui veulent le changement en RDC. Nous, le peuple congolais nous sommes fatigués. Nous voulons le changement. Ce n’est pas pour rien que l’on se retrouve en exil. »
«On sait que les demandeurs d’asile même ici doivent faire face à des difficultés. Mais, au lieu de s’acharner contre eux il faudrait faire en sorte que leurs pays d’origine puissent avoir un gouvernement responsable. Il faut soutenir des élections transparentes et crédibles. Et que celui qui gagne gouverne.»

Felicien Moyi Source: SBS French
Les leaders de la communauté congolaise d'Australie craignent surtout que suite aux manipulations électorales; le peuple congolais ne se voit imposer un mal-élu -une marionnette- qui fera perdurer l’exploitation de la RDC par des puissances étrangères et maintiendra la population dans une situation de précarité et de souffrance extrêmes.
Un autre sujet d’inquiétude exprimé c’est le renforcement de l’appareil répressif et des risques d’intervention des armées des pays voisins de la RDC. Félicien Moyi appelle la population à se préparer face à une éventuelle utilisation de l'appareil militaire contre la population.
En clôturant les débats, Pauline Bopenda rappelle que les femmes et les enfants congolais payent le plus lourd tribu du pourrissement de la situation. Elle s’indigne surtout de l'indifférence des médias internationaux devant cette souffrance.