L’Endométriose est une souffrance autant physique que psychologique. Elle touche une femme sur dix en âge de procréer.
C'est le drame de l'Endométriose d'avoir été ignorée depuis quatre mille ans grosso modo. On a en fait totalement nié la douleur pelvienne de la femme et on l'a catégorisée dans la psyché, d’où cette confusion très ancienne avec l’hystérie.Dr Erick Petit
Et malgré cette ancienneté, on ne connait pas encore les causes exactes de la maladie. C'est pourquoi elle encore méconnue, taboue et complexe.
Et cela continue à traîner dans le subconscient de l'ensemble de l'humanité, des hommes et des femmes, notamment des soignants, qui ne considèrent pas que la douleur pelvienne féminine puisse relever d'une pathologie organique et c'est toute la problématique, c'est pour ça que c'est long de changer le mental.
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Transcript
Marianne Murat : Que ce soient les douleurs, la fatigue, la solitude, l’isolement, la frustration ou même la colère… L’Endométriose est une souffrance autant physique que psychologique. C’est une maladie complexe, c’est une maladie méconnue, taboue, intime… et pourtant si commune. Elle touche 1 femme sur 10 en âge de procréer. Probablement plus si l’on compte les personnes ménopausées qui souffrent encore, les personnes asymptomatiques, et les personnes transgenres, intersexes et non binaires. Dans la suite du podcast j’utiliserai le mot femme pour parler des personnes souffrant d’Endométriose. Mais que personne ne se sente exclu par ce choix.
Regardons autour de nous. C’est surement une mère, une sœur, une amie, une collègue… Il est si facile de passer à côté de cette maladie. Personnellement, je souffre depuis que j’ai 12 ans. Pendant 18 ans on ne m’a pas crue. Jusqu’au diagnostic tel une libération. J’avais 30 ans. Ce podcast c’est mon histoire, mais aussi celle de 200 millions de femmes malades et celle de ceux qui les entourent.
Regardons autour de nous, vraiment. Nous sommes tous – de près ou de loin – impactés par l’Endométriose. Alors, épaulons-nous. Ensemble, déculpabilisons, décomplexons. Je suis là aujourd’hui à conter ce que j’ai de plus intime pour qu’on se sente moins seules, qu’on reprenne le contrôle de nos vies, et surtout qu’on trouve un équilibre pour être heureuses malgré la maladie.
Pour la partie personnelle de ce podcast, j’ai interviewé mes proches : mon conjoint, mes parents, ma belle-mère qui souffre elle aussi d’Endométriose et trois de mes plus chers amis, Margot, Seb et Alex. Pour la partie médicale, vous entendrez les trois professionnels qui me suivent. Caroline Mollard est kinésithérapeute. C’est elle la première qui a su, qui a compris. Elle m’a mise en relation avec le Dr Erick Petit, médecin radiologue qui a officiellement diagnostiqué mes lésions un an plus tard. Le Dr Petit m’a, lui, orientée vers le Dr Marie Ceccarelli, médecin généraliste spécialisée dans le suivi de la maladie. Alors je leur ai demandé tout simplement… Mais c’est quoi, en fait, l’Endométriose ?
Caroline Mollard, kinésithérapeute : On n'est pas sûr exactement de ce que c'est. A priori, pour l'instant, la définition ça serait qu’il y ait des tissus qui ressemblent à l'endomètre et qui se trouvent à l'intérieur du petit bassin.
Dr Erick Petit, radiologue : Alors, l'Endométriose, c'est une maladie inflammatoire chronique liée au fait que les cellules de la muqueuse utérine, que l'on appelle endomètre dans notre jargon médical, et bien ces cellules de l'endomètre ne sont plus à leur place. Ça c'est la définition brute.
Dr Marie Ceccarelli, médecin généraliste : Après, ce qui a été décrit récemment, c’est que ce n’est pas exactement de l’endomètre. C’est un tissu qui ressemble à l’endomètre, qui a toutes les caractéristiques et qui répond aux hormones de la même manière mais ce n’est pas strictement de l’endomètre. Donc on en est là.
Marianne: Complexe donc. Et ce qui est frustrant, c’est qu’on semble seulement découvrir l’existence de l’Endométriose. Comme une maladie à la mode dont toutes les femmes souffriraient tout d’un coup.
Dr Marie Ceccarelli: On le diagnostique de mieux en mieux. Les femmes, les associations, les médecins qui sont concernés font bouger les choses parce que c’est tellement mal pris en charge qu’on fait en sorte d’en parler, de prévenir, de faire des diagnostics plus précoces. Donc, comme on en parle beaucoup, on dit que c’est à la mode. Mais c’est complètement crétin, parce que c’est plutôt un fléau, un gros souci de sante publique, mais ce n’est pas une mode.
Marianne: Bien sûr que l’Endométriose n’est pas une maladie à la mode. Comme on vient de l’entendre, elle est simplement mieux diagnostiquée et surtout on assiste à une véritable libération de la parole. Nous – les patientes – osons de plus en plus briser le tabou. Car en réalité, l’Endométriose existe depuis très, très, longtemps.
Caroline Mollard: Il y a des dessins hiéroglyphes où il y a des femmes, on voit qu'elles sont allongées par terre, qu'elles saignent, donc on pense qu'il y a déjà à cette époque-là des femmes qui souffrent d'Endométriose.
Dr Erick Petit: Et donc, effectivement, ça a été décrit la première fois il y a 4.000 ans chez les Egyptiens. Et bien confirmé, et bien démembré sur le plan du corpus clinique par Hippocrate et son école, au -5e, -6e, siècle avant Christ. Les symptômes sont connus depuis fort fort longtemps. Et malgré cela, on est assez abasourdis encore actuellement de constater que la plupart ne semblent pas avoir cette information et considère que c’est encore une maladie psychique, c’est hallucinant.
Marianne: C’est navrant quand même qu’une maladie qui existe depuis 4.000 ans soit toujours autant une énigme. Pire, qu’on n’en connaisse même pas les causes.
Dr Marie Ceccarelli: Ce n’est pas encore bien défini les causes, même le mécanisme de physio-pathologie de l’Endométriose. D’où ça vient, pourquoi ça arrive, ça on n’a pas encore toutes les clés effectivement. Au départ, c’était la théorie du reflux du sang par les trompes, avec l’implantation de cellules de l’endomètre sur le pelvis, le péritoine. Mais il y a des données scientifiques qui prouvent le contraire, parce qu’il y a des lésions qui sont déjà bien à distance du pelvis donc il y a une migration potentielle des cellules par le sang, par la lymphe, on n’en sait rien.
Marianne: Le plus dur, je trouve, quand on souffre d’Endométriose, c’est la solitude. C’est étrange de se sentir seule quand on vit la même chose que des millions d’autres femmes. Mais comme c’est un ennemi invisible, on se sent souvent incomprises. Considérées comme fragiles. Avoir mal pendant ses règles, c’est normal. Ne le dis pas à voix haute, c’est une affaire de femmes. Souffrir le martyre ? Tu exagères. Vous êtes folle madame. Ça suffit.
Mais oui, en fait, ça suffit, stop !
Isabelle, ma belle-mère: Faut vraiment de la compréhension. Et puis les gens ne vous écoutent pas. Moi mes parents ne m'écoutaient pas, ne m'entendaient pas. Enfin, ils m'entendaient mais ils ne m'écoutaient pas. Personne n’écoutait quoi. Je parle des années 82 mais personne ne m’écoutait, tout le monde disait ‘ouais, tu bosses trop’ ou ‘tu fais trop de trucs’ comme personne ne m'écoutait. Mais moi j'ai mal, je suis en train de dire que j'ai mal. Donc je veux bien que soit psychosomatique mais… Moi je trouve que c’est très dur et que ce n'est pas normal que ça continue comme ça. C'est très dur.
Dr Erick Petit: C'est le drame de l'Endométriose d'avoir été ignorée depuis 4.000 ans grosso modo. On a en fait totalement nié la douleur pelvienne de la femme et on l'a catégorisée dans la psyché, d’où cette confusion très ancienne avec l’hystérie. Et cela continue à traîner dans le subconscient de l'ensemble de l'humanité, des hommes et des femmes, notamment des soignants, qui ne considèrent pas que la douleur pelvienne féminine puisse relever d'une pathologie organique et c'est toute la problématique qui continue d'ailleurs actuellement, c'est pour ça que c'est long de changer le mental.
Marianne: Et personnellement, à la solitude de porter en moi cette souffrance dont on ne parle pas, qui ne se voit pas, qui gêne tant elle touche à l’intimité, est venue s’ajouter la honte. De me plaindre d’une maladie qui ne tue pas. La honte de me sentir mal là ou d’autres personnes souffrent de maux plus graves.
Hugo, mon conjoint: Sans remettre en cause aucunement la douleur, la gravité, et ce que tu peux ressentir au jour le jour…Ce n'est pas un cancer en phase terminale. Donc c'est quelque chose qu’on aura à vie… Donc oui, est-ce que ça suscite des inquiétudes de comment toi ça va aller, comment tu vas le vivre, comme on va l'avoir pour nous, bien sûr que oui. Est-ce que ça me fait peur ? Non, ça ne me fait pas peur parce que je sais qu'on est tous les deux.
Marianne: On est tous les deux, c’est vrai, depuis 2011. Hugo m’aide chaque jour à vivre avec l’Endométriose. A cause de mon retard de diagnostic, la maladie est devenue chronique. Ça veut dire que j’ai mal au quotidien. Pas seulement durant les règles. Pas seulement lors de l’ovulation. Tous les jours. Donc naturellement, après la frustration, la solitude et la honte dont je parlais, place à la colère. Comment peut-on être autant de femmes souffrant d’Endométriose dans le monde et se sentir si délaissées ? Comment peut-on faire partie de millions de femmes malades et se sentir si mal ?
Mon papa: Moi personnellement, je souffrais en silence par rapport à ton problème. On t'accompagnait dans tes souffrances sachant qu'on ne pouvait pas être à ta place. Ton problème, même s'il est particulier pour nous, il est hélas quotidien et permanent pour 10% de la population des femmes au niveau français et/ou mondial. Il faut croire en permanence aux progrès envisagés par la médecine.
Marianne: C’est mon papa que vous venez d’entendre et je suis d’accord avec lui. Il faut croire en la médecine. Mais le fait est que, aujourd’hui, l’Endométriose est toujours une maladie incurable. Le jour de mon entretien avec le Dr Petit, le jeudi 11 aout, je me suis réveillée en crise. Incapable de me lever, encore moins de marcher. Car c’est ça aussi l’Endométriose. Pas chez toutes les personnes atteintes, heureusement. Mais chez moi en tout cas. Des crises d’une violence inouïe, qui arrivent sans crier gare et contre lesquelles les anti-inflammatoires ne font pas grand-chose. Je vais être honnête avec vous, dans ces moments-là, je déteste mon corps. Je lui en veux de me faire subir ça. Et pire, je m’en veux à moi-même de ne toujours pas savoir gérer mes symptômes malgré les années.
Ces symptômes qui sont tellement divers et variés. On dit souvent qu’il y a autant d’Endométrioses que de femmes. C’est vrai. On ne vit pas toutes nos maux de la même façon. Et même l’échelle de la douleur ne présage pas de l’intensité de la maladie, c’est ce qui rend l’Endométriose encore plus complexe, c’est ce qu’on verra par la suite.
Je m’appelle Marianne Murat, et ce podcast c’est mon histoire… mais aussi peut-être la vôtre et surement, très probablement, celle de quelqu’un autour de vous. Si ce premier volet d’Happy Endo vous a plu, s’il vous a touché, n’hésitez pas à le partager. C’est important de libérer la parole, c’est important de briser les tabous autour de cette maladie, et surtout d’essayer jour après jour de mieux la comprendre. Pour ma part, je vous donne rendez-vous au prochain épisode. A bientôt.



