Épisode 2 - L’Endométriose : des symptômes variés et déroutants

Happy Endo Endometriose episode 3

Credit: SBS French / Wendy Praud

Des douleurs pendant les règles aux douleurs pendant les rapports sexuels en passant par des ballonnements, des intolérances alimentaires ou encore des difficultés à uriner, de nombreux symptômes, pour ne citer qu’eux, peuvent laisser penser à une Endométriose. Dans ce deuxième volet d’Happy Endo on verra que la complexité de cette maladie réside notamment dans le fait qu’il n’y a pas de corrélation entre étendue des lésions et intensité de la douleur.


On dit souvent qu’il y a autant d’Endométrioses que de femmes puisque les symptômes varient d’une patiente à une autre. Certaines n’en auront que peu, d’autre beaucoup, mais ce qui rend la maladie difficile à appréhender est que les symptômes et l’intensité de la douleur ne sont pas liés à l’étendue de la maladie dans le corps.

On peut avoir une Endométriose avec très peu de lésions mais très douloureuse et on peut avoir de l'Endométriose de partout et ne pas être si symptomatique que ça.
Caroline Mollard

Le traitement de base pour soulager les douleurs est le traitement hormonal : prendre la pilule en continu pour stopper les règles et ainsi empêcher la propagation de la maladie.

Quand on n'arrête pas les règles, il y a toujours un risque d'aggravation de la maladie. L'inflammation perdure, s’entretient, s’auto-aggrave. C’est pour ça que le plus tôt possible, et ce dès l’adolescence, l’idéal c’est de supprimer les règles.
Dr Erick Petit

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Transcript

Marianne Murat : Moins d’un an après mon diagnostic, nous avons, Hugo et moi, totalement changé de vie. On a quitté Paris pour Melbourne. Rien à voir avec l’Endométriose, ce départ était une mutation professionnelle de son côté. Moi j’ai suivi, et je ne le regrette pas une seconde. Nouvelle routine, nouveau boulot, nouvelles passions, nouvelles rencontres qui bousculent votre destin, certaines je l’espère, se reconnaitront. Tout a changé. Tout, ou presque… Tout, sauf la souffrance. Ces douleurs chroniques que je ressens au quotidien et dont on parlait dans le premier épisode d’Happy Endo.

On entend souvent qu’il y a autant d’Endométrioses que de femmes. C’est vrai. Les symptômes peuvent varier d’une personne à une autre.

Caroline Mollard, kinésithérapeute : Des règles douloureuses, les règles abondantes, il va y avoir des douleurs aux rapports sexuels. Il peut y avoir des migraines, il peut y avoir des femmes qui ont des douleurs très importantes au niveau lombaire, des femmes qui ont des douleurs très importantes au niveau de l'épaule droite... 

Dr Marie Ceccarelli, médecin généraliste : Le propre de l’Endométriose c’est vraiment d’avoir des symptômes qui sont rythmés par le cycle. Après, ça peut être aussi des hémorragies, des troubles digestifs, des troubles urinaires ou simplement des douleurs au moment des rapports sexuels. On n’a pas toujours le tableau classique comme dans les bouquins.

Marianne : Autant de symptômes physiques qui, forcément, peuvent provoquent une détresse psychologique.

Hugo, mon conjoint : Ça génère beaucoup de questionnements, et donc du coup beaucoup de stress, parce qu’on ne sait pas. Puis c’est humain, on a toujours peur de l'inconnu. On a toujours peur de ce qu'on ne connait pas. Et je pense que, tout ça, ça fait partie de cette détresse. Le fait que ce soit une maladie à vie, le fait que ce soit une maladie chronique. Bien sûr que, tout ça, ça génère stress, frustration, peur, peur dans l’avenir… qui sont tout autant de douleurs psychologiques je pense. 

Marianne : Il faut quand même souligner le fait que la détresse psychologique découle des symptômes physiques mais n’est pas un symptôme en soi. C’est important de le rappeler, de dire, encore et encore, que l’Endométriose n’est pas une maladie psychique.

Dr Erick Petit, radiologue : Evidemment, après c’est amplifié par la psyché car quand vous avez mal à ce niveau-là de douleurs et bien ça retentit sur le psychisme. Mais ça n’est qu’un effet secondaire, ça n’est pas la source. La source, elle est bien organique. 

Marianne : Alors quels sont ces symptômes si divers, variés, troublants et déroutants ? Comment les apaiser ? Mesdemoiselles, mesdames, messieurs… Bienvenus dans le deuxième épisode d’Happy Endo.

J’aimerais commencer ce volet par énoncer un fait qu’on a tendance à naturellement oublier. Non ce n’est pas normal de se tordre de douleur. Ni pendant ses règles, ni pendant l’ovulation, jamais.

Caroline Mollard : C’est terrible parce qu’en fait la douleur, peu importe la douleur, ce n’est pas normal. Dans tout son corps. La douleur est le premier signe qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Ça, ce n’est pas possible, c'est intolérable. Et c'est pareil pour les rapports sexuels, ce n'est pas normal d'avoir mal pendant un rapport sexuel. Aucune douleur, rien !

Marianne : Et autre constat, nous ne sommes pas tous égaux face à la douleur. Nos corps et nos cerveaux réagissent différemment à une inflammation, le rapport à la douleur se faisant selon nos vécus, comme l’explique le Dr Marie Ceccarelli.

Dr Marie Ceccarelli : On n’est pas tous égaux par rapport à la douleur, donc le corps ne va pas gérer de la même manière l’inflammation et les messages d’inflammation. Il y a des patientes qui vont être beaucoup plus sensibles à cette inflammation et vont ressentir très fortement les douleurs et d’autres qui vont être moins sensibles. Et le niveau inflammatoire va dépendre de l’hygiène de vie, et le rapport à la douleur c’est en fonction des douleurs qu’on a vécu dans toute notre vie. Le ressenti de la douleur, il est en fonction du vécu, des douleurs depuis l’enfance, le système immunitaire, le vécu psychologique, le stress, toute l’hygiène de vie qui fait qu’on va être plus enflammées pour certaines et moins enflammées pour d’autres.

Marianne : L’Endométriose rend cette vérité encore plus criante. Une même maladie pour 200 millions de femmes et chacune la vit différemment. Nous ne partageons pas toutes les mêmes symptômes. Certaines n’en ont qu’un, d’autres plusieurs. Dans des cas plus rares, très peu de symptômes, comme pour mon amie Margot qui ne ressentait qu’une légère gêne.

Margot, une amie : Je n’ai jamais subi en fait. Un jour, on m'a dit qu'elle était là, sans que je me pose de questions, sans que j’aie vraiment eu de souffrances avant. Un jour on m'a dit ‘bah en fait il y a ça dans votre ventre. Votre petite gêne où vous pensiez que c'était juste le stérilet déplacé ou quoi et bien en fait non, c'est de l’Endométriose sur vos ovaires’. 

Marianne : Ces symptômes divers et variés rendent la maladie encore plus complexe et déroutante qu’elle ne l’est déjà. Ce qui est sûr c’est que c’est l’addition de plusieurs symptômes qui permet de penser à l’Endométriose. Si l’on prend les symptômes un par un, il est presque impossible d’y penser.

Prenons le plus connu, par exemple. Les douleurs pendant les règles. 95% des patientes souffrant d’Endométriose ont mal durant leurs menstruations.

Dr Erick Petit : Le symptôme cardinal quand même quasiment tout le temps présent mais pas toujours, dans 5 à 7% des cas il n’y a pas de règles douloureuses, mais dans 95% quand même elles sont douloureuses. Pas toujours d’ailleurs à des degrés aussi intenses, ça veut dire que parfois elle est moyennement douloureuse. Ça n’élimine pas pour autant l’Endométriose, loin de là.  

Marianne : Essayons de comprendre comment les douleurs dont nous parle le Dr Erick Petit fonctionnent. Très schématiquement, en début de cycle, le tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus s’épaissit sous l’effet des œstrogènes secrétés par les ovaires. En d’autres termes, l’endomètre devient un cocon confortable prêt à accueillir un œuf fécondé. Apres l’ovulation, en cas d’absence de grossesse, les taux d’hormones chutent brutalement, l’endomètre, alors très vascularisé, se détache de la paroi utérine et s’écoule, aidé par les contractions de l’utérus. Ces contractions expliquent la gêne ressentie par la plupart des femmes durant leurs règles. Mais cette gêne devient douleur par celles souffrant d’Endométriose. Pourquoi ? Et bien justement à cause de ces tissus semblables à ceux de l’endomètre qui ont migré en dehors de la cavité utérine et qui se comportent comme s’ils étaient à l’intérieur. Ces tissus saignent lors des règles, irritant les organes sur lesquels ils sont implantés et provoquant donc une inflammation. Ça peut être sur les organes gynécologiques comme les trompes ou les ovaires mais ces cellules peuvent aussi migrer ailleurs : sur le péritoine, les ligaments utéro-sacrés, le tube digestif, ou encore, par exemple, la vessie.

Dr Erick Petit : Il faut questionner la patiente sur les autres types de symptômes. Il y a aussi l’évacuation douloureuse des selles, ce qu’on appelle la dyschésie rectale dans notre jargon médical, l’évacuation douloureuse des urines, la miction douloureuse par exemple. Tous les signes dysfonctionnels et urinaires doivent faire penser à l’Endométriose, quand ils sont surtout augmentés pendant les règles, ça c’est la clé de tous les symptômes, mais au bout d’un certain temps ça peut finir par devenir chronique, donc déborder le cadre des règles mais tout en étant maximisé pendant les règles. Autre symptôme typique sur la version urinaire c’est que quand il y a une cystite, enfin ce qui ressemble à une cystite, des brûlures mictionnelles habituelles, une cystite c’est banal, beaucoup de femmes en ont hélas l’habitude, c’est parfois redondant, récurrent… Si sur l’ECBU, l’examen cytobactériologique des urines, il n’y a pas de germes et que la patiente a les symptômes d’une cystite, et bien ça signe l’Endométriose. Voilà, parce que ça ressemble, ce n'est pas une infection, c’est lié à la perturbation des nerfs qui commandent la vessie. Ça fait partie des douleurs qu'on appelle neuropathiques. Ça se passe le long des fameux ligaments utéro-sacrés, la vessie elle-même étant indemne. 

Marianne : La plupart des patientes souffrant d’Endométriose sont également atteintes de troubles digestifs. C’est mon cas. Et c’est sans conteste mon symptôme le plus développé, le plus douloureux. Avant d’être diagnostiquée, j’allais régulièrement voir un gastroentérologue, épuisée d’avoir mal au ventre en permanence. Je lui décrivais, sans le savoir, tous les symptômes d’une Endométriose. Lui me disait que je souffrais du syndrome du côlon irritable. Alors il m’a demandé de faire une coloscopie. A 28 ans. Et Naturellement, il n’a rien trouvé. Ce que déplore le Dr Erick Petit.

Dr Erick Petit : Un syndrome majeur car constant, c’est le fameux syndrome du côlon irritable, qui fait que des patientes, même parfois à 20 ans, ont déjà eu une coloscopie par un gastroentérologue pour le fameux syndrome du côlon irritable, c’est-à-dire des troubles du transit : constipation et/ou diarrhée avec alternance, beaucoup de gaz, et surtout ce qu’on appelle en anglo-saxon l’endobelly, ces femmes dont le ventre gonfle à tel point que régulièrement, notamment pendant les règles, on a l’impression d’être enceinte de 6 mois. C’est évidemment très desesthétique, ça les gêne énormément, c’est aussi gênant fonctionnellement. Ça, c’est le ballonnement abdominal, c’est typique de l’Endométriose. Evidemment les examens tels que font les gastroentérologues sont négatifs, c’est-à-dire que la fibro et la coloscopie il n’y a quasiment jamais rien, donc ça ne sert à rien de les faire et bien ça traduit le syndrome du côlon irritable. C’est lié aux dysfonctionnements, entre autres, neurologiques entre les nerfs qui commandent le côlon, donc le côlon devient moins mobile, les selles et les gaz stagnent, et ça finit par entrainer ce gonflement. S’y associent aussi, c’est très fréquent, voire constant, les intolérances alimentaires. Ça participe aussi à la genèse de ce syndrome. C’est pour ça qu’on adresse toutes nos patientes, en tout cas moi, à nos nutritionnistes ultra-compétentes qui sont spécialisées dans le lien entre alimentation et Endométriose, ça c’est majeur. Il faut mettre en place un régime anti-inflammatoire, qui doit être personnalisé en fonction des intolérances alimentaires dépistées chez telles ou telles patientes, ce n’est jamais les mêmes. 

Marianne : On en vient au symptôme qui effraie le plus. Celui sur lequel il y a le plus de mythes et de mésinformations. L’infertilité. 40% des patientes rencontrent des difficultés à concevoir un enfant, c’est vrai. Mais cela signifie que 60% y arrivent, sans aide médicale. Je passe rapidement sur ce point, volontairement, car nous reviendrons sur la fertilité dans un futur épisode d’Happy Endo. Il y a tant à dire sur le sujet. Mais pour conclure d’ici-là, en un mot, en un message d’espoir : oui, dans la grande majorité des cas, et certes parfois à l’aide d’une procréation médicalement assistée, nous pouvons fonder une famille en souffrant d’Endométriose, d’autant plus quand les lésions ne sont pas situées dans la sphère gynécologique.

Dans certains cas, plus rare, l’Endométriose peut monter jusqu’au diaphragme, ce qui provoque une douleur à l’épaule droite pendant les règles.

Dr Erick Petit : Il y a parfois, ce n'est pas si rare que ça mais c'est quand même beaucoup moins fréquent, ça s'appelle la douleur scapulaire droite, c’est-à-dire la douleur de l'épaule droite. Pourquoi l’épaule droite, parce que les cellules, une fois qu'elles se sont baladées dans le pelvis, parfois certaines remontent le long du côlon à droite et finissent par atteindre le diaphragme, et c'est toujours à droite car il y a des barrières anatomiques à gauche qui empêchent de toucher le diaphragme à gauche, mais quand ça irrite le diaphragme à droite, que ça saigne, ça fait des petits trous dans le diaphragme et bien ça irrite le nerf phrénique dont la projection, le territoire douloureux, est l’épaule droite. Et donc, il y a des patientes qui consultent par exemple des rhumatologues pour des pseudos-tendinites, car tout se manifeste par des pseudos-pseudos, pseudo-cystites, pseudo-tendinites… Bon, et bien cette douleur est traitée par le rhumatologue qui ne connait pas l’Endométriose, encore moins que le gynécologue n’est-ce pas ? Il le traite comme une tendinite habituelle. Il peut faire même des infiltrations diverses et variées. Évidemment ça ne fonctionne pas. Mais personne, y compris la femme d'ailleurs, ne fait le lien avec les règles.  

Marianne : Encore plus rares, il y a le cas où les cellules remontent jusqu’au thorax et se retrouvent dans les poumons. Plus il y a de localisations et plus les lésions sont profondes, plus la maladie sera qualifiée de sévère. En revanche, l’intensité des douleurs n’est pas proportionnelle à la gravité des lésions, ce qui est un grand paradoxe, s’il en fallait encore un, de cette maladie. Pour le dire plus simplement, ce n’est pas parce qu’on a très mal que la maladie est forcément très développée. Et inversement, des lésions profondes peuvent passer inaperçues.

Caroline Mollard : On peut aussi avoir une Endométriose avec très peu de lésions mais très douloureuse et on peut avoir de l'Endométriose de partout et en fait que la patiente elle ne soit pas si symptomatique que ça. 

Dr Erick Petit : Toute la difficulté c'est que ce n'est pas parce qu’on n’en a pas beaucoup anatomiquement, qu’elle n’entraine pas des douleurs épouvantables et mêmes paradoxalement on s’est aperçu, avec notre expérience clinique maintenant importante que, quasiment les plus douloureuses sont peut-être les moins, enfin pas peut-être c’est sûr, sont les moins avancées, les moins étendues, sur le plan de la gravité lésionnelle.

Dr Marie Ceccarelli : C’est pour ça aussi que cette maladie est mal comprise je pense de tous, des médecins en premier, de ceux qui ne connaissent pas bien l’Endométriose parce qu’ils n’ont pas l’habitude de ce genre de paradoxe. En général, quand une femme arrive en fauteuil roulant, pliée en deux en vomissant de douleurs, on s’attend à avoir des gros nodules ou des grosses lésions, dans son ventre. Mais pas du tout, là ce n’est pas le cas. 

Marianne : C’est inquiétant ce paradoxe entre lésions et douleur. Parce que, concrètement, ça veut dire que potentiellement on peut souffrir le martyre et qu’aucun radiologue ne le voie à l’échographie ou à l’IRM. Ça me rappelle un souvenir. C’était le soir de la fête de la musique, je ne sais plus en quelle année. J’avais passé la soirée chez Elvire, ma meilleure amie, à Saint-Cloud. En rentrant à Paris, vers minuit, sur mon scooter, j’ai commencé à me tordre de douleurs. Je me souviens m’être fait la réflexion que je n’atteindrais pas mon appartement sans avoir un accident. Une fois arrivée, sans accident heureusement, je me suis allongée sur le sol de la salle de bain, prête à vomir dans les toilettes. Je me souviens que le sol froid sur ma joue me faisait du bien. Je hurlais à la mort, j’avais même peur que les voisins viennent frapper car j’étais incapable de me déplacer jusqu’à la porte. Je pense assurément pouvoir dire que c’est la fois de ma vie ou j’ai eu le plus mal. Hugo est rentré en catastrophe et a appelé les pompiers qui m’ont transporté aux urgences. Motif de la visite ? Mal de ventre. Autant vous dire que j’ai été placée dans un couloir et oubliée jusqu’au petit matin. Je hurlais sur mon lit d’appoint et on m’a crié dessus car je faisais trop de bruit. C’est terrible les blessures invisibles. Je décrivais ce que je ressentais mais cette nuit-là j’ai vraiment senti à quel point j’étais un fléau pour les infirmiers et médecins qui géraient les urgences. J’étais une urgence, mais ça ne se voyait pas. J’ai vomi de douleurs. On m’a à nouveau crié dessus car je ne m’étais pas retenue. Je pleurais. Je me sentais seule, et je souffrais. Si je vous raconte cette histoire ce n’est pas pour critiquer le système de santé français. C’est juste pour raconter ce que parfois les patientes atteintes d’Endométriose peuvent vivre. On a pris ma tension, fait une prise de sang, et renvoyé chez moi en me disant que tout allait bien. Aucun soignant n’a pensé à l’Endométriose. Ce qui est aussi triste que dramatique. Vous imaginez tout ce que ça aurait changé si un médecin avait fait le lien entre mes symptômes et la maladie ? Pour moi c’est trop tard, mais peut-être pas pour certaines d’entre vous. C’est aussi ça le but d’Happy Endo. Alors si vous vous reconnaissez dans cette histoire, surtout continuez à exprimer vos symptômes jusqu’à ce qu’on vous entende, vraiment.

Dr Erick Petit : Il faut se raccorder et se raccrocher aux symptômes parce que, in fine, les symptômes parlent plus et c'est ceux-là qu'il faut prendre en compte. Et là encore, il faut arrêter de dire ‘bah madame, finalement on n’a pas la preuve définitive que c’est une Endométriose’. On n’est pas obligé d'aller opérer, d’enlever des ligaments, ce qui ne sert absolument à rien en général, pour avoir la preuve. Le diagnostic ne passe pas par la chirurgie comme c’était écrit jusqu’à il y a encore 10 ans, c'est fini ça. On ne fait plus de célioscopie diagnostique, ça c’est un message important que je tiens à faire passer.  On doit écouter la patiente, noter les symptômes, la référer à un radiologue-expert, faire une échographie endovaginale, idéalement, c'est l'examen de référence absolue, mais à condition qu’il soit fait par un réel expert de la technique et de la maladie, et après on traite. Enfin, on peut même commencer à traiter avant d'avoir la preuve en imagerie. C’est important d’écouter les symptômes, ça c’est la base de la base.

Marianne : Traiter avant le diagnostic définitif, c’est ce qu’on m’a proposé. Dans le premier épisode d’Happy Endo, je vous disais que Caroline Mollard était la première à avoir su que je souffrais d’Endométriose. On se voyait à l’époque une fois par semaine. Caroline est kinésithérapeute, elle fait des massages qui aident à relaxer le périnée afin de diminuer les douleurs vaginales. Parfait pour moi qui ne comprenais pas pourquoi chaque rapport sexuel me faisait si mal. Au fil des séances, à force de me poser des questions et de voir que je ne progressais pas, elle a compris.

Caroline Mollard : C’est au bout de quelques séances où je trouvais que la progression était plutôt lente, et là je me suis dit ‘tiens, c’est quand même bizarre. C’est bizarre que ça ne progresse pas plus vite que ça’. Et c’est là où il y a eu une consultation où j’ai mis un peu plus les pieds dans le sur des questions sur les douleurs de règles, l’absentéisme, les règles abondantes et la digestion.  

Marianne : Elle m’a dit de prendre un rendez-vous avec le Dr Petit pour faire confirmer mes lésions par échographie endovaginale. Nous étions en juin 2019. Le rendez-vous était pris. Pour le 13 mars 2020… 9 mois d’attente alors que Caroline en était certaine. Aucun doute pour elle que je souffrais d’Endométriose. Elle m’a donc conseillée de ne pas perdre de temps et de prendre la pilule en continu. De stopper mes règles le plus vite possible, solution très efficace pour ralentir la propagation de la maladie dans le corps.

Dr Erick Petit : Quand on n'arrête pas les règles, il y a toujours un risque d'aggravation de la maladie.  L'inflammation perdure, s’entretient, s’auto-aggrave, et finalement tous les organes, et ça, ça m'arrive toutes les semaines de découvrir des patientes qui ont pris la pilule pendant 15 ans, arrêtent pour 28 ou 30 ans pour être enceinte et on s'aperçoit qu’il y en a partout, parce qu'en fait la pilule n’était pas prise en continu. C’est pour ça que l’une des bases du traitement c’est quand même le plus tôt possible d’arrêter les règles. Donc quand vous ne les arrêtez pas suffisamment tôt après il y a un risque de chronicisation de la douleur puisque l’inflammation s’est aggravée. Donc les nerfs sont impliqués dans la bataille et donc à la fin parlent avec le cerveau et l’aire centrale de la douleur et ça tourne en boucle. Ça devient plus compliqué à traiter et de désamorcer ce cercle vicieux. C’est pour ça que le plus tôt possible, et ce dès l’adolescence, l’idéal c’est de supprimer les règles.

Marianne : Si seulement j’avais su ça plus tôt… Si seulement nous étions tous plus éduqués à propos de ces risques. J’ai pris un traitement hormonal de mes 15 à mes 20 ans, puis entre mes 21 et 29 ans, de façon normale c’est-à-dire trois semaines de pilule quotidienne et une semaine d’arrêt ce qui déclenche les règles. Je ne savais pas à ce moment-là que j’étais atteinte d’Endométriose. Si dès mes 15 ans je n’avais pas marqué ces 7 jours d’arrêt, si alors j’avais stoppé mes règles, ma maladie ne serait surement pas devenue chronique… Je sais bien qu’avec des si on peut refaire le monde. Mais parfois, j’avoue, c’est vrai que j’aimerais bien refaire le mien. Ma maman aussi… qui n’a compris que trop tard que j’avais réellement un problème.

Ma maman : Je ne m'en suis pas aperçu tout de suite, en fait, que tu souffrais. Je savais que tu avais des règles douloureuses mais bon, je mettais ça sur le coup de ‘normal quoi’. A mon époque, quand on avait nos règles douloureuses, c'était normal. Donc je n'y faisais pas vraiment attention, jusqu'au jour où je me suis quand même aperçue qu'elles étaient très longues et puis que tu avais vraiment mal au ventre. Mais on ne pensait pas du tout que ça pouvait être grave. Mais je me suis vraiment rendu compte de ça, malheureusement, tu étais beaucoup beaucoup plus grande, quand on a eu un weekend, c'était sympa. Tu étais toute contente de venir et tu as passé l'après-midi dans un coffre de voiture complètement allongée. (…) Je me disais ‘là, ce n’est vraiment pas de la comédie, elle est vraiment trop mal, allongée dans un coffre de voiture alors que les enfants jouent autour’. Et tu étais tellement contente d'être avec eux. Mais en plus du mal, tu avais envie de vomir. Enfin, tu étais vraiment trop trop mal. Là, on s’est dit ‘là la petite elle a quelque chose de pas bien quoi’. 

Marianne : Le souvenir dont ma maman parle, c’était en 2016, 4 ans avant mon diagnostic officiel. C’est à peu près à cette même date que ma belle-mère, Isabelle, a commencé à s’inquiéter de mon état de santé.

Isabelle, ma belle-mère : Tu avais la fatigue, tu avais beaucoup de symptômes qui me rappelaient les miens. Mais on n'était pas suffisamment intimes, ce sont des sujets dont on ne parle pas comme ça de but en blanc. Dans ma tête, je me suis dit ‘mais ça ressemble tellement à ce que j'ai connu’. Et puis, je ne sais plus au bout de combien de temps j’ai osé t’en parler en disant ‘voilà, faut que je te dise parce que là c'est quelque chose, tu souffres, tu es fatiguée, tu as mal’ et je ne savais pas si c'était ça. Mais tous les symptômes je les connaissais et je me disais ce n’est pas possible, c’est la même chose. C'est la même chose et on ne l'écoute pas.

Marianne : Trois ans plus tard j’ai rencontré Caroline et tout s’est accéléré. Mais, finalement, il aura quand même fallu attendre 18 ans pour poser le mot Endométriose sur mes symptômes. Déjà, on l’a vu, parce que les lésions ne sont pas évidentes à déceler, cela demande un œil expert. Et dans la pratique, le nombre de radiologues spécialisés est assez limité. Mais aussi, parce que les règles restent aujourd’hui encore un tabou. Une histoire de femmes. Que, pour beaucoup, la douleur liée aux cycles est normale. Ce mythe a vraiment la vie dure. Avoir mal pendant ses règles. Et surtout, enfin, comme on le disait, c’est seulement l’addition de plusieurs symptômes qui permet généralement de penser à l’Endométriose. Si l’on prend les symptômes un par un, il est presque impossible d’y penser. Parce que la gêne ressentie durant les règles peut être tout à fait normale, elle est due aux contractions de l’utérus pour évacuer les tissus de l’endomètre, c’est ce qu’on on a expliqué plus tôt. Ce qui n’est pas normal, c’est d’en être handicapé, c’est de ne pas ressentir de soulagement après la prise d’antalgiques, c’est d’estimer sa douleur à plus de 7 sur 10… Il ne faut pas s’auto-diagnostiquer mais tous ces signes doivent quand même alerter.

Dr Erick Petit : Toutes règles douloureuses ne répond pas à une Endométriose, heureusement. Mais, cela dépend de l’intensité. Si vous avez une intensité de douleur sur une échelle visuelle analogique d’au moins 7, là c’est garanti, l’Endométriose est là derrière. Et puis évidemment il y a des marqueurs cliniques qui sont très fiables : à partir du moment ou une femme ne peut plus agir normalement dans sa vie courante pour faire les tâches quotidiennes usuelles, travailler, aller en cours, aller à la fac, et ainsi de suite, et bien à ce moment-là et c’est évident que la maladie n’est plus psychique, elle est organique.

Dr Marie Ceccarelli : Donc c’est vraiment à chaque fois des douleurs qui sont plutôt invalidantes, donc une certaine intensité de douleur. On dit que sur une échelle de 0 à 10, par exemple si la douleur est à partir de 7, on doit forcément évoquer le diagnostic de l’Endométriose, parce que c’est invalidant, on ne peut pas aller au travail ou à l’école, on ne peut pas sortir de son lit. On a tellement mal que ça a une répercussion sur tout le champ de vie. Donc là on doit vraiment y penser.

Marianne : Et on y pense de plus en plus. Grace à la libération de la parole, à l’écoute grandissante des patientes de la part des médecins et aux recherches qui avancent sur l’Endométriose, le délai de diagnostic tend à diminuer ces dernières années. Mais il est encore de plusieurs années, 5 à 10 ans en moyenne de douleurs, de solitude et d’errance médicale, comme on le verra dans le prochain épisode.

Je m’appelle Marianne Murat, et ce podcast c’est mon histoire… mais aussi peut-être la vôtre et surement celle de quelqu’un autour de vous. Si ce deuxième volet d’Happy Endo vous a plu, s’il vous a touché, n’hésitez pas à le partager. C’est important de s’exprimer, c’est important de briser les tabous autour de cette maladie, et surtout d’essayer jour après jour de mieux la comprendre. Pour ma part, je vous donne rendez-vous au troisième épisode. A bientôt.

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