REDIFFUSION - Épisode 6 - L’Endométriose : vivre en harmonie avec la maladie

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Credit: SBS French / Wendy Praud

L’Endométriose est un combat permanent. Avant le diagnostic pour se faire entendre dans ses douleurs. Après le diagnostic pour apprendre à vivre avec la maladie, cohabiter avec cet ennemi invisible. Un équilibre de vie est possible, mais il demande une discipline irréprochable. Avec une bonne hygiène de vie, une approche pluridisciplinaire, et un traitement qui nous convient, alors il est possible, pour certaines, de vivre en harmonie avec la maladie.


Quand on souffre d’Endométriose, plusieurs traitements sont possibles. Aucun n’est curatif, mais tous visent à apaiser les douleurs. Le plus commun, et toujours celui proposé en premier, est l’hormonothérapie. La prise d’hormones en continu, souvent par le biais d’une pilule contraceptive. Arrêter les règles pour stopper les saignements.

Pour l’instant, on a qu’un seul traitement à disposition, qui est le fait de couper les règles. C’est le seul traitement qui est aujourd’hui à donner en première intention pour calmer une Endométriose. Ça a trois objectifs principaux : calmer la douleur, stopper l’évolution de la maladie et préserver la fertilité.
Dr Marie Ceccarelli

Pour celles qui ne peuvent pas ou ne veulent pas prendre d’hormones, il existe des solutions.

C’est évident que si vous prenez une pilule dont les effets secondaires sont pires que le mal, alors ce n’est pas la peine. Il faut trouver la bonne et surtout ne faut pas l’imposer.
Dr Erick Petit

Ça passe souvent par des médecines alternatives et des traitements naturels.

Il y a le médecin de la douleur, la diététicienne, la kiné, l’ostéopathe, le sophrologue, le psychologue-sexothérapeute, l’acupuncture. Ici en France, on a vraiment beaucoup de gens qui se spécialisent là-dedans.
Caroline Mollard

Être entourée, parler, briser les tabous, déculpabiliser, prendre son traitement si on a décidé d’en avoir un, mieux manger, faire du sport… Opter pour une approche pluridisciplinaire pour gérer la maladie. Vivre en harmonie avec son Endométriose, c’est avoir une discipline irréprochable. C’est, au final, adapter l’intégralité de son mode de vie.

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Transcript

Marianne Murat : L’Endométriose est un combat permanent. Quand on est adolescente, c’est un combat pour essayer de comprendre son corps, ne pas savoir pourquoi on se sent différente des autres. Quand on grandit, c’est un combat médical. Frapper aux portes des médecins, puis les voir se refermer, souvent sans réponse à nos questions. Un combat contre la violence psychologique qui découle de cette maladie et bien sûr un combat contre la violence physique que le corps, si résilient et si fort, endure sans fléchir. Vient ensuite, enfin, la libération du diagnostic. Quelque temps de soulagement, avant que le combat reprenne. Car une fois qu’on sait, il faut tout de même vivre avec, et continuer à avancer.


Ma maman : J’ai envie de te dire ‘bah bas toi’. Maintenant fais tout ce qu’il faut pour que ça aille mieux. Tu le sais maintenant, tu ne navigues pas à l’aveugle en disant ‘je ne sais pas quoi faire’. Maintenant au moins tu sais quoi faire, même si tu as toujours mal, même si tu es en mal d’enfants parce que tu n’y arrives pas. Tu sais qu’il y a peut-être des solutions et au moins tu as mis le mot sur les maux déjà.

Marianne : Elle a raison, ma maman. Des solutions, il y en a. Plein même. Prendre des traitements médicamenteux ou naturels, pratiquer des activités physiques douces, voir des médecins spécialisés… Vivre avec la maladie, c’est possible. Ce n’est pas facile, loin de là, mais c’est possible. Un équilibre de vie est accessible. Surtout lorsqu’on est bien entouré.

Hugo, mon conjoint : Ça va aller, on est tous les deux. On est tous les deux, ça va aller, et je sais que ce n’est pas une phrase qu’on a envie d’entendre le ‘ça va aller’. Mais je t’assure que ça va aller. Tu n’es pas toute seule, on est plein avec toi, il y a ta famille, tes amis, il y a moi, il y a les médecins. Ça serait un message d’espoir et d’optimisme pour l’avenir.

Marianne : Que ferais-je sans Hugo ? Son soutien indéfectible est mon pilier du quotidien. C’est lui qui me remonte le moral quand j’ai envie d’abandonner. Quand je n’en peux plus des douleurs. Quand je n’ai plus envie d’avancer. C’est lui qui me rappelle d’être optimiste, et qui me donne de l’espoir. Et grâce à lui, ça va déjà mieux. Le pouvoir du psychologique sur le physique, comme le souligne le Dr Erick Petit.

Dr Erick Petit, radiologue : La clé c’est d’être bien entourée, bien accompagnée. Ça, c’est important, ne pas être isolée. Il faut en parler et il faut être comprise. Et à ce moment-là, ça va beaucoup mieux. Déjà psychiquement, ça fait presque 50% du travail.

Marianne : Mais alors quels sont ces 50 autres pourcents qui permettront d’aller mieux ? On dit souvent qu’il faut prendre son mal en patience. Et si on prenait aussi son bien-être en urgence ? Mesdemoiselles, mesdames, messieurs… Bienvenus dans le sixième et dernier épisode d’Happy Endo.

Se faire diagnostiquer, quelle que soit la maladie d’ailleurs, change la vie. Car, aux côtés du soulagement d’enfin mettre un mot sur les maux, il y a la question de savoir comment on va désormais vivre avec. S’il n’y a pas encore de remède à l’Endométriose, il y a tout de même des façons de vivre en harmonie avec cette maladie. Et la première étape du vivre avec, comme le dit le Dr Marie Ceccarelli, c’est d’accepter d’être malade.

Dr Marie Ceccarelli, médecin généraliste : Ce qui est important c’est d’être aussi maitre de sa maladie, de prendre le pouvoir sur sa maladie, d’accepter de ne pas être dans le déni, après il faut apprendre à vivre avec. Mais on peut bien vivre avec son Endométriose, il y a plein de solutions qui font qu’on peut bien vivre avec.

Marianne : Et justement, une fois la maladie acceptée, on les cherche ces solutions. A plusieurs, avec les médecins, en famille, avec son amoureux. Comme moi, Hugo a ressenti du soulagement à l’annonce du diagnostic. Moi, parce qu’enfin on m’entendait. Hugo, parce que ça faisait naitre de l’espoir. L’espoir d’aller mieux.

Hugo : Extrêmement soulagé, parce que poser un diagnostic dit qu’on peut aussi commencer à chercher des solutions. Il y a beaucoup de solutions pour l’Endométriose. Pas de remède, mais il y a des solutions pour permettre de vivre avec l’Endométriose. Ce qui est légèrement diffèrent, mais ça permet d’ouvrir des possibilités. Quand on ne sait pas ce qu’on a, on est obligé de vivre avec. On a aucune possibilité, on ne sait pas ce qu’il peut se passer. Quand on sait ce qu’on a, on a quand même des voies à explorer, des chemins à explorer.

Marianne : Mais une fois qu’on a dit ça, ça nous laisse où concrètement ? Ça veut dire quoi vivre avec ? On fait comment ? C’est quoi le traitement ? Autant de questions légitimes selon le Dr Petit pour qui le traitement passe avant tout par l’information de la patiente.

Dr Erick Petit : C’est compliqué comme maladie, déjà c’est compliqué pour les praticiens, alors pour la patiente c’est encore plus. Parce qu’elle n’est pas médecin, donc elle ne comprend pas tout forcément. C’est long, il faut comprendre ce qu’il se passe, c’est une maladie chronique, il faut vivre avec. Il faut maitriser et comprendre les symptômes et la genèse des symptômes, comment on peut vivre avec, et comment on peut la traiter. Ça se fait très bien mais plus on est informés, mieux c’est. D’où l’action médiatique aussi, ce que vous faite c’est remarquable, ça permet aux patientes de mieux comprendre ce qu’il se passe.

Marianne : Et il n’y a pas que la patiente qui est perdue. Tout le monde en fait. Personne ne naît spécialisé dans l’Endométriose. D’ailleurs, quand j’ai présenté ce podcast, j’ai dû expliquer à chaque fois ce qu’était cette maladie. Pas une fois j’ai croisé quelqu’un qui savait précisément de quoi il s’agissait. On en revient aux premiers épisodes d’Happy Endo. C’est quoi l’Endométriose ? Par manque de débats publics et d’informations généralisées, trop peu de personnes savent répondre à cette question, comme ici mon ami Seb.

Sébastien, un ami : Tout ce que je sais, c’est un peu ce qu’on m’en a dit. Notamment au niveau des symptômes et des douleurs que cela peut provoquer. Mais j’ai très peu d’infos finalement sur les origines possibles de cette maladie. Quels sont les différents stades et degrés de gravité. Je n’ai pas non plus en tête les traitements possibles, sur ce qu’on peut faire pour aider concrètement les personnes atteintes d’Endométriose. Je pense que je ne suis pas assez informé, je veux m’informer davantage, je veux m’y intéresser davantage, pour être capable d’aider ces personnes-là à mon niveau.

Marianne : Prenons ce que l’on sait. On sait que c’est une maladie bégnine dans le sens où l’on n’en meurt pas. Première bonne nouvelle. On sait aussi qu’il n’y a pas cure. Pour le moment. Car deuxième bonne nouvelle, la recherche avance, et le Dr Petit se montre optimiste pour l’avenir.

Dr Erick Petit : On l’accompagne, on la soigne, on ne la guérit pas puisqu’on n’a pas la cause ultime, définitive, formelle qui permettrait de l’éradiquer. On trouvera un jour un moyen thérapeutique de la supprimer avant même l’apparition des règles, ça c’est sûr.  Les deux axes de recherche majeurs, c’est le diagnostic, et vous savez qu’actuellement il y a un test salivaire auquel on participe, sur 1.000 patientes dans les centres de référence français, on fait partie des centres d’investigation, pour essayer de trouver un moyen de raccourcir considérablement le diagnostic, avec l’Endo test qui dose des micro-ARN dans la salive, si au bout d’un quart d’heure, comme le Covid, vous savez que vous avez potentiellement l’Endométriose. Ce n’est pas gagné encore, je dis ‘c’est préliminaire’. On cherche à valider ça, mais ça serait déjà un gros atout. Et après, il y a la démarche thérapeutique, ça consiste à trouver autre chose que l’hormonothérapie, souvent mal tolérée. C’est le but de la recherche, il faudra encore un certain nombre d’années bien évidemment. Mais il y a quand même des espoirs thérapeutiques importants, je suis très optimiste de ce point de vue-là, mais c’est long.

Marianne : Pareil du côté du Dr Marie Ceccarelli qui se veut rassurante. Lorsqu’on est bien traitées, bien entourées, bien encadrées, alors il est possible, pour certaines patientes, de vivre en harmonie avec la maladie.

Dr Marie Ceccarelli : Incurable oui et non. On sait qu’on ne peut pas s’en débarrasser, ça peut potentiellement être toujours là donc effectivement il faut apprendre à vivre avec. Après, on peut vraiment la stabiliser. Après, tout dépend de l’âge du diagnostic et si c’est une forme très développée ou pas, mais la plupart des femmes qui ont de l’Endométriose qui sont minimes à modérées, une fois traitées elles oublient qu’elles ont ça. Ça ne va pas forcément être une maladie très présente dans leur quotidien.

Marianne : Rentrons dans le vif du sujet. Si vous souffrez d’Endométriose et que vous en avez déjà parlé avec votre médecin, alors il est presque certain qu’on vous a proposé un traitement hormonal en continu. Ça s’appelle l’hormonothérapie et l’objectif est d’arrêter les règles. C’est le traitement le plus efficace et c’est presque toujours celui proposé en premier.

Dr Marie Ceccarelli : Pour l’instant, on a qu’un seul traitement à disposition, qui est le fait de couper les règles. Donc de ne plus saigner par le biais de la prise d’un traitement hormonal continu, c’est souvent la pilule oestroprogestative ou progestative seule qu’on utilise en prise continue pour stopper tout saignement. C’est le seul traitement qui est aujourd’hui à donner en première intention pour calmer une Endométriose. Ça a deux objectifs principaux voire trois même objectifs principaux : c’est déjà de calmer la douleur, de stopper l’évolution de la maladie et de préserver la fertilité puisqu’en limitant l’évolution des lésions on préserve l’intégrité de l’appareil génital.

Marianne : Un traitement qui peut s’avérer nécessaire donc, mais souvent qui pas suffisant. Car si ne plus avoir ses règles peut soulager, et bien les crises perdurent. Ça dépend du moment du cycle, du stress, du sommeil, de l’alimentation. Autant de facteurs qui rendent l’Endométriose très difficile à gérer au quotidien.

Dr Marie Ceccarelli : Ce n’est pas une baguette magique. Quand on a coupé les règles ça ne suffit pas toujours pour enrayer tous les symptômes. On peut avoir des crises de douleur aussi, si on est fatiguée, stressée. Il y a tellement de facteurs qui rentrent en jeu pour l’expression des symptômes aussi. Il faut aussi associer une prise en charge pluridisciplinaire, avec d’autres thérapeutes qui vont améliorer le quotidien avec les symptômes. C’est une prise en charge holistique. Ça va de l’alimentation, par un suivi kiné, osthéo, soigner son sommeil, faire du sport, c’est vraiment mettre en place une hygiène de vie car tout ça a un impact sur la maladie.

Dr Erick Petit : L’essentiel c’est quand même de soulager la patiente. C’est la première étape. Ça fait appel non pas à la chirurgie le plus souvent mais à l’hormonothérapie et à des techniques paramédicales nombreuses et variées telles que vous avez pu en bénéficier auprès de Caroline Mollard, kiné experte de l’Endométriose. Ça fait beaucoup de bien, aussi. C’est un complément, il n’y a pas que la pilule, loin de là.

Marianne : Personnellement, je prends un traitement hormonal depuis que j’ai 15 ans. J’ai eu la chance de trouver du premier coup une pilule qui me convenait, et très vite mes douleurs se sont calmées. Puis, dans l’optique de tomber enceinte, je l’ai arrêtée en avril 2021. Si vous avez écouté l’épisode précédent, vous vous souvenez peut-être que les choses ne se sont pas passées comme prévu. Et je n’ai qu’une envie, c’est de la reprendre, la pilule. J’insiste ici sur le fait qu’il s’agit-là de ma décision, de mon parcours, de mon histoire. Prendre la pilule, d’autant plus en continu, n’est pas une décision à prendre à la légère. Ce n’est pas dangereux pour le corps, attention ça ne provoque pas de cancer ou bien ça ne laisse pas s’accumuler le sang dans l’utérus comme on pourrait le croire. Ça n’a pas de conséquences néfastes sur la fertilité non plus d’ailleurs, mais ça peut troubler psychologiquement. C’est impressionnant de ne plus saigner, tellement nous sommes habituées à être rythmées par un cycle menstruel. De plus, ce n’est pas évident d’en trouver une qui nous correspond. Effets secondaires, prise de poids, baisse de la libido, sécheresse vaginale… Il est très fréquent qu’une pilule ne soit pas tolérée par une patiente et qu’il faille s’y prendre à plusieurs reprises avant de trouver la bonne. Je m’en rends vraiment compte que j’ai eu de la chance. Et enfin, parce que certaines patientes, et c’est un choix personnel et légitime, ne souhaitent pas prendre la pilule tout simplement. Par refus des hormones de synthèse, par allergies, par volonté de faire un enfant… On pourrait énumérer de nombreuses raisons mais, au fond, il n’y a pas à se justifier. L’hormonothérapie, ça a été une évidence et une délivrance pour moi, mais ce n’est pas la solution pour toutes. Et heureusement, certains médecins le comprennent.

Dr Marie Ceccarelli : Le choix de prendre une pilule ou pas, on fait toujours une balance bénéfices/risques en médecine. Il faut que la prise du traitement apporte évidemment plus de bénéfices que de risques, donc c’est très important de choisir la bonne pilule pour la bonne personne. Qu’elle soit bien tolérée, qu’il n’y ait pas d’effets indésirables et qu’elle apporte un bénéfice sur l’Endométriose, sur la maladie, sur les douleurs, l’inflammation, le confort abdomino-pelvien. Les patientes le comprennent très bien. Il faut leur donner toutes les informations et bien les accompagner aussi au cours du traitement puisque si un traitement n’est pas bien toléré, il faut savoir qu’il y en a d’autres. Et il faut les adapter en fonction du terrain personnel, de la santé de la personne, des antécédents familiaux, et des réactions individuelles à la prise du traitement.

Dr Erick Petit : C’est évident que si vous prenez une pilule dont les effets secondaires sont pires que le mal, alors ce n’est pas la peine, ça c’est clair. Donc il faut trouver la bonne. Et bien il ne faut pas l’imposer. Et puis s'il y a des jeunes filles qui veulent absolument avoir des règles au début et bien je leur dis ‘on va commencer comme ça, revenez me voir dans un an, on fait le point pour vérifier qu'elle n'évolue pas trop’. Et puis celles qui ne veulent vraiment pas on leur dit ‘essayez comme ça, on va faire des techniques paramédicales’. Si déjà on optimise la nutrition, on fait un peu de kiné, d'ostéopathie, que les choses vont beaucoup mieux, que ça suffit, c’est la patiente qui décide de son état, si ça suffit, si ça va mieux ou pas, et qu'elle ne veut pas pilule, et bien on surveille. Il faut être souple, il ne faut pas imposer, ça c'est clair. Et entendre son désir et donc c'est un travail à deux. C’est entre les praticiens et la patiente. Elle fait partie du traitement à 50%, c’est in fine elle qui décide de ce qui lui va le mieux. C’est un dialogue à deux, c’est une danse à deux.

Marianne : Ça ne vous fait pas du bien, à vous, de vous dire qu’on peut reprendre le contrôle ? Je sais bien que j’enfonce une porte ouverte avec cette question, mais le combat contre l’Endométriose c’est aussi le combat de disposer de son propre corps. De faire ses propres choix, sans pression ni injonction. On entend encore trop de témoignages, aujourd’hui, de femmes malades qui n’ont pas été écoutées, voire qui ont été forcées. C’était ça, aussi, la promesse d’Happy Endo. Reprendre le contrôle de nos vies. Et qui mieux que nous-mêmes connaissons nos symptômes, notre corps, nos envies ? J’ai décidé d’arrêter la pilule en étant informée que les douleurs pouvaient peut-être revenir. Et c’est le cas, elles sont revenues. La question que je me pose aujourd’hui c’est ‘est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?’. J’estime pour l’instant que oui. Mais dès que j’en aurai l’occasion je reprendrai un traitement hormonal. C’est mon choix, individuel et éclairé, à l’écoute de mon corps. Je lisais il y a quelques jours le témoignage d’une femme souffrant d’Endométriose qui a voulu arrêter les hormones pour ne plus, je cite, polluer son corps. Cela fait seulement quelques semaines mais, pour le moment, elle se sent mieux et ne ressent pas de douleurs. Car pour elle, prendre la pilule était pire que ressentir les symptômes de son Endométriose. Et comme les Dr Petit et Ceccarelli l’ont dit tout a l’heure, il ne faut surtout pas que le traitement soit pire que le mal.

Alors d’autres solutions que l’hormonothérapie existent. La prise de médicaments anti-douleurs, la chirurgie et les traitements holistiques. On l’a vu dans l’épisode précédent, l’opération chirurgicale est de moins en moins pratiquée, réservée aux cas les plus sévères. Restent les médicaments et les médecines alternatives, dites naturelles. Et en ce sens, pour la première fois en 2017, la Haute Autorité de Santé française a recommandé d’allier thérapie médicamenteuse classique avec, je cite la recommandation officielle, l’acupuncture, l’ostéopathie et le yoga. Et dans les faits, cette liste peut être allongée, comme nous dit ma kiné, Caroline Mollard.

Caroline Mollard, kinésithérapeute : Il y a le médecin de la douleur, il y a la diététicienne, il va y avoir la kiné, il va y avoir l’ostéopathe, le sophrologue, il va y avoir le psychologue-sexothérapeute, il va y avoir l’acupuncture. Ici en France, on a vraiment beaucoup de gens qui se spécialisent là-dedans.

Marianne : Autant de possibilités pour soulager les symptômes. Au-delà du traitement, l’hygiène de vie est essentielle. Une mauvaise alimentation, des sources de stress, un sommeil saccadé, le manque d’activité physique, tout ça aura un impact sur les douleurs et les inflammations. L’hygiène de vie est aussi importante que le traitement choisi. Être maitre de son mode de vie, c’est être en parti maitre de sa santé.

Caroline Mollard : Il faut aller chercher de l’aide dans les médicaux et paramédicaux. Mais c’est vraiment le patient qui doit aller chercher, on ne peut pas aller le chercher nous. Souvent on nous le reproche mais non, il faut que le patient soit à l’initiative de sa propre guérison ou de son propre soutien par rapport à la douleur. Parce qu’en règle générale c’est ça, c’est de gérer la douleur.

Dr Erick Petit : Le traitement vient à moitié, à 50%, de la patiente. Il faut qu’elle soit impliquée thérapeutiquement dans sa prise en charge, ça c’est fondamental.

Marianne : Personnellement, j’ai essayé d’être pro-active. Mais j’ai mal essayé je crois. J’ai vu certains professionnels de santé qui m’ont fait plus de mal que de bien. J’ai fait plusieurs jeûnes de trois jours, j’ai tenté le yoga, fait de l’acupuncture une fois aussi. Mais le manque de régularité fait que je n’ai pas vraiment vu d’effets. Et pour être honnête, je n’ai pas une très bonne hygiène de vie. Je crois que la seule chose que j’ai fait de bien, c’est d’oser en parler. A ceux qui témoignent dans Happy Endo. Mes plus proches amis, Hugo et ma famille.

Dr Erick Petit : C’est d’être bien accompagnée, de ne plus être isolée, que l’entourage comprenne ce que la patiente vit. Quand on est isolée, on souffre encore plus, donc il faut être bien entourée, bien accompagnée par sa famille, ses amis, ses proches et puis par le corps médical. Être intégrée dans une filière de soin qui vous accompagne tout au long de la vie, plus ou moins fréquemment, ça dépend de chacune. Ça fait du bien. Moi j’ai des patientes qui viennent me voir régulièrement, même si je leur dis que ça ne sert à rien de surveiller quand elles sont bien traitées, que ça ne peut pas progresser. Ça fait partie du soin, c’est de l’accompagnement, de les rassurer, et de les écouter, de les entendre, de dialoguer. On peut même s’en tenir presque à ne pas faire d’examens et prendre un café, ça peut être ça. Et ça, c’est le rôle des praticiens d’accompagner les patientes qui souffrent d’Endométriose. Ce n’est pas seulement une approche technique, c’est une approche psychothérapique au sens large du terme. Ça c’est très important, quand la patiente se sent entourée, accompagnée tout au long et bien ça calme les choses.

Isabelle, ma belle-mère : Moi si j’avais pu en parler comme ça avec ma maman, je pense qu’il y a une part où je ne me serais pas sentie coupable. Parce qu’à la douleur s’adjoint la culpabilité. C’est-à-dire que non seulement tu ne sais pas ce que tu as, on te dit que tu es à moitié folle et en plus on te dit que c’est normal. Donc là, il y a un moment dans votre tête où c’est très compliqué.

Marianne : Être entourée, parler, briser les tabous, déculpabiliser, prendre son traitement si on a décidé d’en avoir un, mieux manger, faire du sport, appréhender la maladie dans son approche pluridisciplinaire. Vivre en harmonie avec son Endométriose, c’est avoir une discipline irréprochable. C’est, au final, adapter l’intégralité de son mode de vie.

Dr Erick Petit :  Apres il faut organiser son mode de vie, un métier stressant dans une mégalopole de 15 millions d’habitants, ce n’est pas forcément idéal non plus. Chacune voit comment elle peut améliorer son mode de vie. J’ai connu des patientes qui ont totalement changé leur mode de vie et qui vont beaucoup mieux, parce que dans un milieu apaisé, on ne leur demande pas un surtravail chronique, quotidien, parce que ça fatigue. Ne pas oublier le symptôme fréquent qui est la fatigue chronique. Il faut adapter la profession à ça. Quand on fait attention à tout ça, au mode de vie au sens large du terme, à la profession de travail, etc., on va mieux. Quand on va mieux c’est un cercle vertueux, ça c’est important, il y a bien sûr beaucoup d’espoir.

Marianne : Il y a beaucoup d’espoir. La libération progressive de la parole, l’avancée de la recherche, les essais cliniques, les différents plans gouvernementaux à travers le monde, autant de petites avancées qui font que cette maladie devient progressivement un débat d’utilité publique. Pour paraphraser le président français Emmanuel Macron, ‘l’Endométriose n’est pas un problème de femmes, c’est un problème de société’. A condition encore que la société sache de quoi on parle.

Sébastien : Moi je me sens concerné, ça me touche de voir mes amies souffrir. Après, j’essaye d’en parler aux autres hommes, aux autres personnes, en fait, qui n’y connaissent pas grand-chose autour de moi. J’essaye de leur dire d’aller se renseigner, parce que c’est quelque chose de sérieux. Et parfois, il y a certaines personnes qui en parlent avec énormément de légèreté, des personnes que j’ai rencontrées qui en parlaient presque sur un ton humoristique, parce qu’elles ne savaient pas exactement ce que c’était. Moi, je recommande à ces personnes, avant de commencer à plaisanter là-dessus, de se renseigner, d’en apprendre un petit peu plus, de poser des questions à droite et à gauche. Parce qu’il faut arrêter de rigoler là-dessus, il faut prendre la chose au sérieux, se renseigner, au moins, c’est un minimum.

Dr Marie Ceccarelli : Il faut en parler autour de soi. Si on a des amies, des sœurs, des cousines, qui ont des douleurs invalidantes pendant leur cycle, il faut toujours y penser, toujours les diriger vers les bons spécialistes. Ce n’est pas une fatalité en soi. Plus tôt on le diagnostique et mieux ce sera et mieux ça sera pris en charge.

Marianne : Ce n’est pas une fatalité. L’Endométriose n’est pas une fatalité. Et j’espère que cet épisode, ce podcast même dans son ensemble, aura su donner des clés pour mieux vivre avec la maladie. Il n’y a pas de traitement miracle, pas de baguette magique. Chirurgicaux, hormonaux ou naturels, aucun traitement ne marchera à tous les coups. Autant d’Endométrioses que de femmes, une fois encore. Ça veut dire que non seulement le traitement est personnalisé, mais en plus il est évolutif. On ne se soignera pas de la même façon à 15 ans, à 30 ans lorsqu’on veut tomber enceinte, ou à 45 en préménopause. Donc on cherche, on tâtonne pour trouver ce qui nous fait du bien. Soulager les douleurs, c’est l’objectif principal, non ? Pas guérir. Juste vivre avec, en paix. Cohabiter avec notre ennemi invisible. Et tenter de ne pas se déchirer tous les jours.

Depuis sa parution, ce podcast fait beaucoup réagir. Des gens qui se reconnaissent, des gens qui apprennent, mais aussi des gens qui s’interrogent. Un collègue m’a demandé pourquoi je l’avais appelé Happy Endo et pas Nasty Endo tant il y a des impacts négatifs sur le corps et l’esprit. Ce jeu de mots, au-delà de me faire rire, m’a fait réfléchir quand même. N’avait-il pas raison ? Après réflexion, je pense que non. On commence tout juste à voir la lumière au bout du tunnel. Je ne sais pas dans combien de temps on atteindra la sortie, mais je sais qu’on se dirige dans la bonne direction. Les malades commencent enfin à être entendues, reconnues dans leurs souffrances. Les hommes politiques se saisissent du débat. On parle enfin sans honte de maladies féminines, de cycles menstruels, de sang, de sexe, de fausses couches. Ça va dans le bon sens. Il y a encore du chemin à parcourir bien sûr, c’est long. Il n’y a toujours pas de traitement curatif, pas de remède définitif. Ce n’est pas encore le happy end dont on rêverait. Mais ça va dans le bon sens. Et c’est vraiment ce message d’espoir, cette positivité, que j’ai souhaité faire transparaitre dans Happy Endo. Je m’étais dit que si ce podcast aidait une personne, une femme en détresse, une femme qui se sentait isolée, alors j’avais gagné mon pari. J’avais pris ma revanche sur la maladie. J’espère avoir réussi.

Happy Endo tel que je l’ai rêvé, tel que je l’ai pensé, imaginé, puis finalement écrit, arrive à son terme. Mais l’Endométriose étant un sujet d’utilité publique et la vie réservant, sans crier gare, son lot de surprises, cela ne fait aucun doute que nous nous retrouverons très bientôt. Je voudrais remercier SBS d’avoir cru en ce projet, de l’avoir financé me permettant de coucher sur papier ces milliers d’idées enfouies dans ma tête depuis près de trois ans. Je voudrais remercier mon rédacteur en chef, Christophe, de m’avoir convaincue de raconter mon histoire, si personnelle et si intime, et pourtant si commune. Je voudrais remercier le Dr Erick Petit, le Dr Marie Ceccarelli et Caroline Mollard d’avoir mis leur temps, leur savoir et leur expertise au service d’Happy Endo. Mais aussi de m’avoir écoutée, entendue, diagnostiquée, aidée et soutenue. Je voudrais remercier mes amis Margot, Seb, Alex et Emma pour leur témoignage, leur authenticité, et d’être des amis en or malgré la distance. Remercier aussi Isabelle, ma belle-mère, pour avoir osé briser les tabous intergénérationnels. Mon papa et ma maman, les deux véritables stars de ces six épisodes au vu de tous les messages que j’ai reçu à leur sujet. Leur sincérité, leur justesse et leur naturel ont donné vie à ce podcast. Et enfin je voudrais remercier Hugo, mon conjoint, mon amour. Ma moitié si réservée et si pudique dans la vie privée qui a vu sa vie étalée en public sans concession et sans réserve, mais qui, au nom de la cause, a toujours soutenu le projet. 

Hugo : Il faut prendre la vie et les défis qu’elle nous donne à bras le corps. Donc ça va aller. Et je sais que c’est une phrase très facile à dire comme ça, il y a toujours des moments de doutes et de moins bien. Et puis si la vie met d’autres obstacles sur le chemin on les surmontera. Certains seront plus durs que d’autres, certains seront peut-être insurmontables, je ne sais pas mais ça va aller. C’est dur, c’est très dur, mais ça va aller.

Marianne : Et surtout merci à vous. De donner sens à Happy Endo. Merci pour vos messages de soutien et d’encouragement qui ont été mon fuel tout au long de ce podcast, dans les bons et les mauvais moments. Merci d’être toujours plus nombreux à vous battre pour cette cause internationale de santé publique. J’espère, qu’au fil des épisodes, nous avons tenu nos promesses, nous avons réussi à libérer la parole et briser les tabous. Qu’ensemble nous avons décomplexé et déculpabilisé. Qu’on se sente moins seules, qu’on a les clés pour reprendre le contrôle de nos vies et surtout qu’on a trouvé un équilibre pour être heureuses malgré la maladie.

Je m’appelle Marianne Murat, et ce podcast c’était mon histoire… mais aussi peut-être la vôtre et surement celle de quelqu’un autour de vous. Si Happy Endo vous a plu n’hésitez pas à le partager. C’est grâce à vous que ce podcast intemporel va continuer de vivre. L’Endométriose est un combat qui ne s’arrêtera jamais. Au gré de la recherche, des événements, des surprises de la vie, Happy Endo reviendra j’en suis sûre. Mais d’ici-là, je vous dis au revoir, et encore merci.

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